Premier jour :

11h30, rien dans les mains, rien dans les poches... c'est parti!

Direction le nord, avec quand même un but pour la journée, arriver à Flagstaff. Ici c'est simple, si tu veux aller au nord tu prends l'unique 2x5 voies qui va au nord (ça marche pour tous les points cardinaux).
Anticonformiste par nature, je quitte la route dès la première sortie. Je me retrouve rapidement au milieu de champs s'étalant à perte de vue sur lesquels pâturent quelques milliers de vaches. Il vaut mieux faire confiance aux piqures d'hormones qu'à l'herbe verte pour nourrir ces pauvres bêtes.

En face de moi quelques montagnes, la route devient intéressante! Et merde, saloperie de boite auto, pas moyen de négocier une épingle correctement. Dommage le moteur de cette petite Pontiac était prometteur.

Me voilà à Jerome, ancienne ville minière transformée en repère d'artistes baba cool. Très peu de touristes en cette période, sauf un couple de Français. Pour le dépaysement, c'est raté!

La route continue jusqu'à  Sedona, situé au pied de superbes falaises rouges. Heureusement que c'est l'hiver, il fait déjà chaud.

Chaud oui, mais pas pour longtemps! Un quart d'heure plus tard la route se perd au milieu d'une foret de sapins couverts de neige. On prend vite de l'altitude, les panneaux défilent... "Elevation 5000", "Elevation 6000", "Elevation 7000", 7000 quoi bordel? Des pouces? Des pieds? Oui des pieds, soit 2134 de nos bon vieux mètres.
Au bout de la route, Flagstaff.

"C'est moche", d'accord je ne m'attendais pas à trouver un joli village savoyard au milieu de l'Arizona mais là quand même, ils auraient pu faire un effort! Il est 17h, parfait pour aller trainer au Macy's, petit "european coffeehouse" propice aux rencontres. Derrière moi, encore des Français! Putain mais cassez vous, cette fois je ne relève pas la conversation.
En sirotant mon double cappuccino "à la San Francisco" je lève les yeux et tombe sur... Cameron Diaz!!! Oui, mademoiselle Diaz, de Cameron (au nord de Flagstaff), du moins c'est ce que j'ai compris de son discours. Elle me propose de me faire visiter la ville, elle en avait l'air fier, la pauvre. Je confirme, il n'y a rien à Flagstaff.
La soirée s'emballe, avec pour thème "le bar", bar à sushi pour commencer, puis un bar, un vrai, un autre, un dernier, tout ça pour finir dans un motel crasseux en bord de ville.
"Vive la France" me dit Cam', "Ferme ta gueule, je veux dormir" - elle semble heureuse...

Deuxième jour :

Lorsque Gregor Samsa s'éveilla un matin au sortir de rêves agités,... Quoi je m'égare? Effectivement, point de métamorphose ici. Mais une surprise, il faut gratter! La voiture, d'habitude noire, est recouverte de givre blanc. Un tour de clé, le chauffage à fond et il ne reste plus qu'à attendre. La température extérieure est de 18°F, et croyez moi, c'est peu pour un homme en chemise.

Le plan de la journée est simple, visiter le grand canyon et se rapprocher au maximum des "For Corners". Pas besoin de réfléchir longtemps pour deviner où partir. Aux USA, pour savoir conduire il suffit de savoir lire. (le premier qui pense lire ou conduire il faut choisir, je le plombe). Ah le soleil est chaud, merci.

Au bout de quelques miles, un check point. "Vous allez rentrer dans le Grand Canyon National Park", alors s'il vous plait, crachez la thune. 25$ merci au revoir. Ah mais quelle bande de connard ces putains d'américains, toujours près à te faire payer pour un rien! Non mais je rêve je suis paumé dans une forêt et en plus je dois payer pour une route à moitié verglacée!! Cette fierté française en prend vite un coup en déboulant au bord d'une falaise avec en face, une vue magistrale sur le grand canyon.

"Oh - My - God !!!", oui, je l'ai dit, et j'assume. Devant moi une crevasse sans fond, qui ressemble à un paysage martien (c'est comme lunaire, mais en rouge orangé - je n'y connais rien? Et bien sache que c'est à Flagstaff que l'on a découvert Pluton - Rien à voir, tant pis). C'est tout simplement splendide. Froid, mais splendide...

La route longe le bord de la falaise, avec ça et là des points de vue dont je ne me lasserai jamais. Tu t'assois et tu admires, c'est tout. Seul un groupe de moines tibétains a dérangé ma quiétude, un comble! Il est temps de partir.

Quelques virages, On perd de l'altitude, la neige disparait, les couleurs chaudes reprennent le dessus sur l'horizon. Cette fois,c'est fait, je suis en plein désert. Impossible de voir la fin de cette longue et interminable bande d'asphalte qui miroite au soleil. Au bout d'une heure, et après n'avoir croisé que quelques très rares voitures (cinq tout au plus) une question me vient à l'esprit. Ça va durer encore longtemps comme ça? Je suis seul, pas d'eau, pas de bouffe, pas de radio, pas de téléphone, la liste s'allonge... Le GPS montre une ligne droite perdue sur un fond jaune, au moins, il n'a pas tord. Pas assez d'essence pour faire demi tour, il faut continuer... continuer...

Le soleil commence à se coucher et j'arrive aux portes de la Monumental Valley. Je me répète, mais c'est beau. Enfin une "ville", Kayenta. Je n'avais croisé jusque là que quelques campements d'indiens perdus dans le désert. Bon pas vraiment de quoi y passer la nuit non plus. Dans une heure environ je serai à Tecc Nos Pos, juste à coté des For Corners. Arrivé là bas, c'est le drame. Il n'y a rien, mais alors rien de rien sauf une baraque de contrôle pour les poids lourds qui rentrent dans l'Arizona, et il fait nuit. Allé petit GPS, utilise ta fonction "lodging" et montre moi le chemin. Estimated Time = une heure, je suis bien au milieu de nul part, et franchement, j'en ai mare.

Arrivé au motel, après des routes bien tortillardes, bingo, il est fermé. Là je pète un cable, cette fois c'est direction tout droit et "Fuck Off". Première enseigne lumineuse, je m'arrête. "Sciouzmi seure, wèrame aïe?"
Cortez, Colorado.

Troisième jour :

Bien... Cortez... Qu'est ce qu'il y a dans le coin? La chambre est remplie de brochure pour le "Messa Verde Park". Soit. A la radio, "I have a dream..." en boucle. C'est le Martin Luther King Day, qui plus est veille de l'investiture de Barack Obama (je reviendrai là dessus).

A l'entrée du parc quelques panneaux d'avertissements: "Route machin fermée l'hiver", "Risque de verglas",... Le paysage laisse voir bon nombre de hautes montagnes enneigées, ah si j'avais mes skis!

Les panneaux ne se trompaient pas, la moitié de la route est couverte de glace, et l'autre est fermée. C'est jolie, mais pas de quoi y passer une journée quand même. La vision du grand canyon de la veille à un peu perturbé ma perception des choses, tout semble petit, moche et dérisoire. Le but ultime du parc est de découvrir les restes d'une cité cachée, protégée sous une falaise. Certains trouverons ça géniale, et les autres repartirons avec le sentiment d'avoir perdu leur temps.

Cette fois je suis bien décidé à atteindre ces fameux "For Corners", unique frontière entre quatre états américains, l'Arizona, l'Utah, le Nouveau Mexique et le Colorado. L'endroit est perdu en plein désert, comme beaucoup de chose ici. Les drapeaux sont invisibles, il n'y a pas un brin de vent. Le monument, quant à lui est encore une fois petit, moche et dérisoire.

Retour à Scottsdale, six heures de route. Je ne vais pas me faire avoir deux fois, je prends de quoi traverser le désert sereinement. Une pause pour manger, une pour prendre un café et retour à la case départ.

La boucle est bouclée.